Le monde selon Garp [John Irving]

L'auteur : John Irving est un romancier américain né en mars 1942. C'est son roman Le monde selon Garp, son 4e roman, paru en 1978 et en partie autobiographique, qui le fit connaître et reconnaître de tous.

L'histoire : Ce roman raconte la vie de l'écrivain S.T. Garp, en commençant avant sa conception et se terminant après avoir fait le tour des destins des proches de Garp après sa mort.

Sa mère, Jenny Fields, est infirmière dans un hôpital militaire à Boston en 1942. Elle souhaite avoir un enfant sans s'encombrer d'un homme ou même de relations sexuelles. Elle profite alors d'un soldat réduit à l'état de légume mais qui a encore spontanément des érections, et tombe enceinte. Elle élève seule son fils, en travaillant à plein temps. Après des études médiocres, Garp devient écrivain pour séduire les jeunes filles. C'est pourtant sa mère qui connaît le succès avec un livre qui fait d'elle la figure de proue du mouvement féministe.

Mon avis : J'ai réussi à traîner Loesha pour cette lecture commune que nous projetions depuis quelques temps déjà. Sauf que nous avions été toutes les deux passablement refroidies par une lecture précédente de John Irving : pour moi, L’œuvre de Dieu, la part du Diable trouvé passablement long et ennuyeux malgré des passages vraiment intéressants sur la condition féminine et le droit à l'avortement ; pour Loesha, c'était L'hôtel New Hampshire qui ne lui avait vraiment pas plu. Sauf que, d'un je ne me voyais pas passer à côté de la lecture de ce livre culte et de deux, je suis tombée l'été dernier sur l'adaptation cinématographique avec Robin Williams et Glenn Close et j'ai adoré cette histoire. Alors, en insistant bien, j'ai décidé ma comparse à tenter l'aventure.

Et autant vous dire que c'est avec entrain que j'ai entamé cette lecture. Au final, si je continue à adorer cette histoire, je ferai le même reproche à ce roman qu'au précédent que j'ai pu lire : il y a des passages vraiment longuets. Je pense spontanément, par exemple, au voyage à Vienne de Garp et de sa mère, qui à mon sens n'apporte pas grand chose (à l'exception peut être de la naissance d'un écrivain, mais il y avait moyen de faire plus court dans ce cas). Pour certains lecteurs, peu habitués à ce genre de roman, il faudra accepter d'entrer dans l'univers un peu loufoque, en tout cas au début, que l'auteur nous propose, et cela sans a priori.

Ce roman est fortement autobiographique et on y retrouve bon nombre de sujets de prédilection de l'auteur : la Nouvelle Angleterre, où Irving a fait ses études ; la lutte, qu'il a pratiqué à l'université ; Vienne, où il est lui-même allé ; il est également question de prostituées, de parent absent, d'ours (je me demande tout de même quel est le problème d'Irving avec ces bêtes-là !) et bien sûr, le plus intéressant, la condition féminine.

Car si ce roman propose au lecteur de suivre, de sa conception à sa mort, la vie de l'écrivain ST Garp, ce sont surtout les femmes qui l'entourent qui sont intéressantes, à commencer par sa mère qui a voulu un enfant sans s'engager auprès d'un homme de quelque façon que ce soit. Elle profite donc d'un sergent technicien revenu de la guerre à l'état de légume pour obtenir un enfant, qu'elle élève seule, selon des principes un peu bizarres, mais en l'entourant néanmoins d'affection. Elle devient plus tard, un peu contre son gré, une égérie du mouvement féministe. Sa nature profonde l'amenant à aider son prochain, c'est assez naturellement qu'elle se retrouve à diriger un refuge pour les femmes en perdition. Tout en affirmant que la femme doit être maîtresse de son corps et de sa destinée, Irving n'hésite pas à dénoncer les extrémismes du féminisme en créant les ellen-jamesiennes.

Le tout n'est pas dénué d'humour, bien au contraire. Garp est un personnage vraiment attachant, et les énergumènes dont il est entouré sont forts, que ce soit sa mère, Roberta (dont j'ai adoré les répliques), les ellen-jamesiennes qui questionnent tant Garp et le lecteur... Il y a beaucoup de drames également, ce qui en fait bien le récit d'une vie telle qu'elle est dans la réalité. Les frontières entre le réel et la fiction deviennent plus floues. On aborde alors le questionnement sur le métier de l'écrivain, la source d'inspiration, le souffle qui nourrit l'auteur pendant la création. Un auteur écrit-il pure fiction qui doit sembler réel ou s'inspire-t-il de la réalité pour la transformer en fiction ? John Irving intercale d'ailleurs dans son récit les histoires que Garp écrit, mais cette mise en abîme provoque elle aussi des longueurs dispensables à mon sens.

Au final, et comme le montrait le film, c'est bien davantage le personnage de la mère qui m'aura marquée dans cette lecture que Garp et ses interrogations. J'ai vraiment adoré tout ce qui touchait à Jenny Fields et à l'évolution de la condition de la femme. Un roman sur la liberté de chacun donc, qui m'aura quelque peu réconciliée avec l'auteur, même si je ne pense pas devenir une inconditionnelle. Ceci dit, A moi seul bien des personnages, son dernier roman, m'intrigue maintenant :-)


Retrouvez l'avis de Loesha sur ce roman, avis que je file voir !

Commentaires

Loesha a dit…
Je pense que le fait que tu ais vu le film t'as rendu cette histoire plus sympathique... pour ma part, et pour spoiler, j'ai aimé les passages glauques (émasculation / fellation et la manière dont il amène la mort de son second fils...) et certains personnages comme Roberta... mais les autres, pffff :s
Mais je pense que globalement je suis passé à côté du livre, qui est pour moi rien d'autre qu'une autobiographie avec un peu plus de dorures et d'ours ça et là.
Alex Mot-à-Mots a dit…
Pas vu le film, mais j'avais trouvé certains passages un peu long, également.
petitepom a dit…
je n'ai pas pu le lire, le seul de l'auteur que j'ai fini c'est une prière pour Owen avec beaucoup de peine
La chèvre grise a dit…
@ Alex Mot-à-Mots : il est clair que le film m'a aidé à tenir sur ces passages vraiment longs.

@ Petitepom : connaître l'histoire m'a sûrement aidé, mais celui-ci était tout de même beaucoup plus facile à lire que mon autre lecture d'Irving "L'oeuvre de Dieu, la part du Diable".
Mangolila a dit…
C'est le premier livre que j'ai lu de cet auteur et j'ai eu un grand coup de cœur pour ce roman. Depuis j'ai presque tout lu de Irving qui est désormais un de mes auteurs favoris. Il me reste son dernier qui est dans ma pal mais que je n'ai pas eu encore le temps de lire! J'ai tendance à faire traîner les romans que je sais que je vais aimer comme on attend un bon dessert! :) Même s'ils ont parfois des passages trop longs ou trop sucrés, j'ai toutes les indulgences à leur sujet!
La chèvre grise a dit…
@ Mango lila : C'est le privilège des auteurs chouchou, on leur pardonne beaucoup. Moi, c'est avec Tom Sharpe.

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