Arslan [M.J. Engh]

L'auteur : Mary Jane Engh est une auteur américaine née en 1933, qui connait la renommée en 1976 avec Arlsan.

L'histoire : Ancien président du Turkestan, général moitié ouïghour moitié ouzbek, Arslan a conquis le monde. Pour une raison obscure, c'est dans l'insignifiante petite ville américaine de Kraftsville, Illinois, qu'il a décidé de fêter sa victoire finale.

Dès lors, le plus important n'est pas tant qu'Arslan ait conquis le monde, mais ce qu'il va faire avec. Une perspective effrayante... quand on voit les nouvelles règles qu'il impose aux habitants de Kraftsville.

Mon avis : Voici un roman bien étrange. Sa première moitié a su me séduire largement, malgré le sujet grave et sombre. Arslan, général dictateur, a envahi le monde et s'installe dans la petite ville de Krafstville. Le lecteur ne saura pas vraiment comment ni pourquoi, en tout cas dans l'immédiat. Ce qui intéresse ici l'auteur c'est d'imaginer la difficile cohabitation entre le vainqueur et les soumis. On passera sur quelques défauts comme le manque d'explication visant à faire du directeur d'école l'interlocuteur privilégié du dictateur.

Par contre, le rendu de la relation qui se tisse entre ces deux personnages m'a fascinée : entre respect et haine, fascination et rejet. Car Arslan a un plan. Il n'a pas conquis le monde comme ça, par passion du pouvoir. Et c'est au cours de ses échanges avec Franklin J. Bond que tout l'intérêt du roman se trouve à mon sens. Car sous une extrême brutalité, et avec la mise en place d'un système dictatorial, la logique d'Arslan est parfois compréhensible : empêcher l'homme de détruire l'humanité et diminuer le niveau de civilisation en revenant à de petites communautés auto-gérées et auto-suffisantes. On pourra parfois reprocher que c'est un dialogue assez convenu entre un dictateur habité par sa mission et un pur Américain adepte du libéralisme.

Tout Européen y verra aussi la question de la collaboration : jusqu'où collaborer avec l'envahisseur pour sauver tout ce qui peut l'être, sans se renier pour autant ? Certains membres de la communauté préfèreraient faire acte de résistance. D'autres préservent au maximum leur petite personne, dans une vision très individualiste et mesquine. M.J. Engh ne juge pas les personnages et reste très objective dans sa narration. Et la petite communauté s'arrange assez bien de se retour au Moyen-Âge. Franklin porte la résistance mais elle ne prend que peu de part dans la narration qu'il nous offre. Comme si la présence d'Arslan était une menace suffisante pour tout suspendre.

À la moitié du livre, l'auteur décide de changer de point de vue, et adopte celui du jeune Hunt, première victime d'Arslan, pour l'exemple. Après l'avoir détruit, Arslan va le façonner. Entre haine et fascination, le jeune garçon va devenir un homme complexe et ambigu. J'ai été perdue par trop de ressenti, de découpage de sensations. Le rapport du tortionnaire et de sa victime est assez malsain. Je ne savais plus exactement quel était le sujet du passage et l'histoire que le narrateur cherchait à raconter. Et je n'ai pas réussi à raccrocher les wagons quand nous retrouvons le point de vue de Franklin.

La temporalité a aussi été difficile à suivre. Dans un même paragraphe, il peut se passer plusieurs mois quand à d'autres moments l'auteur focalise pendant plusieurs pages sur quelques heures. Mais les ellipses ne sont jamais très claires et ce n'est qu'au bout de plusieurs pages qu'on réalise que les saisons ont passé, que des années même parfois se sont écoulées.

Enfin, je plussoie la remarque de BlackWolf dans son billet sur la place de la femme. Tous les personnages féminins sont effacés et soumis, soit servante soit prostituée, sans voix propre, sans levier possible sur la situation. En cela, le roman sent son époque (rappelons qu'il a été écrit dans les années 70). On pourra aussi se dire que la situation est donc bien l’œuvre des seuls hommes. Mais c'est vraiment dommage. Et bizarre sachant que l'auteur est une femme.

Arlsan, de M.J. Engh
Traduit par Jacques Collin
Denoël
Mai 2016

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